lundi 28 juin 2010

Marguerite Duras et les pêches, La Vie matérielle


Ces derniers jours, j'aurai redécouvert deux choses.
D'abord, les pêches : j'ai acheté une petite barquette de petites pêches. De toutes petites pêches, que je ne connaissais pas, ce ne sont pas des pêches pêches, ce ne sont pas des pêches de vigne, des pêches plates, ce sont peut-être, je ne sais plus qui les a appelées comme ça, par supposition, auprès de qui je les vantais : des pêches naines ; en tout cas je ne les connaissais pas, j'ignore si la faute en revient à mon ignorance ou à la modernité, qui invente des races d'êtres vivants comme d'autres des modèles de voitures, mais ces pêches étaient absolument délicieuses, d'une douceur exquise, d'un sucre idéal, véritables petits éclats de joie toujours comme par surprise dans des journées dont par ailleurs on avouera qu'elles ne furent pas, sauf erreur ou omission de notre part, beaucoup plus passionnantes que si elles n'avaient pas eu lieu.
Ah si, pardon !



Et tout à l'heure, relisant dans un train les deux premières pages de La Vie matérielle, j'ai redécouvert La Vie matérielle.
La Vie matérielle est un livre un peu pour la vie, on peut facilement s'en laisser accompagner longtemps, le garder toujours un peu à côté de soi, dans sa mémoire, dans ses pensées, dans son oubli, comme dans sa poche ; il répond à des manques de ce qu'on pensait sans lui, il fait des liens, ouvre des questions, dévoile des pistes, il aide, saisit, entraîne, c'est un livre courageux et encourageant ; mais entre les lectures, les feuilletages, bien sûr, les pages deviennnent un peu abstraites, la plupart des mots disparaissent dans cette marée très douce du temps qui passe dessus. Et puis un jour on le rouvre, cette place qu'il occupe et qu'il laisse vacante, aussitôt comme d'habitude, rebrille comme quand le rayon s'enchâsse dans le vitrail jaune.
Énormément de gens, énormément de gens, vraiment beaucoup de gens, vivront très bien, enfin plus ou moins bien, ça dépend, comme on vit, sans lire La Vie matérielle de Marguerite Duras.
Il y a certainement des pays où l'on n'a jamais mangé de pêche.


Ici, 7 exemplaires neufs à partir de EUR 5,30, et 5 d'occasion à partir de EUR 3,99 :



Je suis quelqu'un qui n'est jamais à l'heure pour les repas, les rendez-vous, le cinéma, le théâtre, les avions c'est de justesse, toujours. Je me méfie tellement de moi maintenant que j'arrive une heure en avance au théâtre. Je vois d'autres gens arriver en courant de crainte d'être en retard, j'en suis enchantée. Je suis toujours arrivée à la plage lorsque les gens en partaient. Je n'ai jamais bruni à la plage parce que j'ai horreur des bains de soleil, du sable sur la peau, dans les cheveux. J'ai bruni au volant de mon auto ou en me promenant en Espagne ou en Italie.
Néanmoins et durant une grande partie de mon existence, j'ai eu le désir ardent d'arriver à prendre des bains de soleil. Ça a duré. J'élaborais des systèmes pour faire tout ce que les autres faisaient. C'est comme ça que j'étais en retard partout, j'en étais désolée. Je faisais ça, comme les autres, j'allais sur la plage, mais le soir. Je faisais les choses à moitié, pour les avoir faites, et ça ne marchait pas. Je regrette beaucoup d'avoir été ainsi, réglementaire mais jamais contente. Je me suis toujours retrouvée à la fin des étés comme une ahurie qui ne comprend pas ce qui s'est passé mais qui comprend que c'est trop tard pour le vivre.