jeudi 30 septembre 2010

Michel Foucault, Autoportrait, Radio Canada 1971


Une interview, au demeurant fort bien menée, radieuse et lumineuse, d'une enthousiasmante densité de propos, d'une souplesse problématique à l'envers de toute restriction de la pensée à des sectarismes aveuglés - même si, bien sûr, qui jamais réchappera aux idées qu'il s'est faites ? -, enfin et presque surtout, et dans une langue superbe : d'une clarté sans-une-ombre des idées et des jonctions, de comment se lient et s'agencent et se justifient tous ces mots, ces modes de questionnement, d'affirmation et de révolte, ces comptes-rendus d'années passées à constater écarts et divorces entre existence du monde et exercice d'une parole sur, entre présence des hommes et possible émancipation, et à tâcher de les rejoindre.

Inscrite dans la corporéité inétouffable d'une voix ô combien vivante - mouvante, surprenante, mue par des forces -, la pensée de Foucault, qui par passages prend le risque de cette exposition autobiographique où le discours de sagesse peut toujours s'abîmer, et qui lui sert ici au contraire d'éclaircissement supplémentaire et d'humanisation constante du mot, cette pensée se serait-elle, un jour de 1971, donné sans le savoir 26 minutes pour offrir quelques pistes à ses camarades humains, des fois qu'elle devrait quitter le monde 26 minutes plus tard ?

Rien n'est improbable.




C'est ici :





mercredi 29 septembre 2010

samedi 25 septembre 2010

Pulp, Different Class & L'Émanglom


On pourra raconter absolument ce qu'on veut, Different Class est, au moins pour les trois quarts (*), un disque formidable formidable formidable formidable, formidable.

Un disque fait des misères de la vie et de l'énergie pour en sortir, parfois, devenues communément, et comme main dans la main, une pop superbe et étincelante, intelligente, mélancolique et sexuelle, et romantique à en crever, et à en ressusciter.



I want a refund
I want a light
I want a reason
To make it through the night




C'est ici :






(*) L'auteur de cet article s'est amusé de constater, dans cette incise, qui lui donnait une impression de déjà-ouï, la réminiscence involontaire d'une autre, "muscles pour les trois quarts", celle-là d'Henri Michaux, dans un texte consacré à l'émanglom, animal imaginaire, donc métaphorique, ou plus exactement, poétique, c'est-à-dire, dans ce lieu où la chose dite, éloignée, semble-t-il d'abord, des objets immédiats de l'expérience immédiate, n'est en fait pas la métaphore, lointaine, d'une autre réalité, plus immédiate, qu'on aurait à retrouver dessous, mais tout simplement l'expression, très immédiate, d'une réalité, très immédiate, d'une expérience du monde, que l'on ne savait pas dire ainsi, et dont on découvre, tout dans un même moment parce qu'ils se tiennent l'un l'autre, et le nom, et l'existence.




L'ÉMANGLOM


C’est un animal sans formes, robuste entre tous, muscles pour les trois quarts, et, dans son extérieur entièrement, qui a partout près d’un pied d’épaisseur. Tous les rochers, même lisses, il est en mesure de les escalader.

Cette peau si amorphe devient crampons.

Aucun animal ne l’attaque ; trop haut sur terre pour qu’un rhinocéros puisse l’écraser, plutôt, lui le culbuterait, n’y ayant que la vitesse qui lui manque.

Les tigres s’y casseraient les griffes sans l’entamer et enfin même une puce ou un taon, un cobra n’y trouve pas un endroit sensible.

Et quoique merveilleusement au courant de tout ce qui se passe autour de lui, sauf paraît-il au fort de l’été, on ne lui trouve aucun sens.

Pour se nourrir, il se met à l’eau ; un bouillonnement et surtout une grande circulation d’eau l’accompagne et des poissons parfaitement intacts viennent surnager le ventre en l’air.

Privé d’eau il meurt, le reste est mystère.

Il n’est pas inouï qu’on rencontre des crocodiles fracassés sur les bords des fleuves qu’il fréquente.



samedi 11 septembre 2010

Delphine Seyrig, Interview 1975


Dans cette interview, réalisée en 1975 par Pierre Maraval pour Cinématographe et reprise en 2002 dans Théâtres au cinéma : Marguerite Duras Alain Robbe-Grillet, édité par le Magic Cinema
de Bobigny à l'occasion du 13e festival Théâtres au cinéma, Delphine Seyrig, dont Duras dit sans faire erreur qu'elle est tout simplement la plus grande des comédiennes de France, évoque, dans des propos pleins de nuance et pleins de fermeté, acteurs et actrices, réalisateurs, réalisatrices, sa vie, les femmes et la misogynie d'un monde dont elle donne une image, fatalement, en femme de cinéma, légèrement étrangère et absolument juste.


- Ressentez-vous parfois l'absurdité de faire des films ?
- Je sens l'absurdité de travailler à n'importe quoi.